Prostitution des mineures : l'enquête choc
En France, il suffit d’un clic pour acheter une relation sexuelle avec une mineure. Un phénomène qui a triplé en dix ans : 20 000 mineures prostituées, un chiffre sous-évalué. Pour comprendre les mécanismes de ce trafic, nous avons créé un faux profil sur un site d'annonces de prostitution en ligne. En moins de 24 heures, 758 messages ont été reçus. Avoir des relations sexuelles avec une adolescente de 16 ans est illégal, mais les clients n’en ont cure. Nos journalistes ont confronté l’un d’entre eux, au pied d'un hôtel parisien : « Vous savez que c'est illégal d'avoir des rapports tarifés avec une mineure ? ». Sous notre caméra, l'homme d’âge mûr tentera de s'enfuir en effaçant la conversation de son téléphone. Ces clients favorisent un business sordide et lucratif dont les adolescentes de tous les milieux sont aujourd’hui victimes. Cécilia avait 15 ans quand elle a été séquestrée pendant un mois par un proxénète : droguée aux médicaments antidouleurs, elle subissait dix à quinze passes par jour. « je me voyais mourir. C’étaient des viols. Des rapports non consentis », confie-t-elle. À Metz (Moselle), son proxénète a exploité vingt jeunes filles âgées de 13 à 17 ans, toutes placées dans un foyer de l'aide sociale à l'enfance. L’homme a écopé de 4 ans ferme et a fui avant son incarcération. Si 80 % des adolescentes exploitées sexuellement sont des enfants placées, les familles aisées sont aussi touchées. Stéphanie, cadre supérieure mariée à un médecin, témoigne : « Ne pensez pas que vous êtes à l'abri. À partir du moment où vous laissez votre fille avec un téléphone portable et l'accès aux réseaux sociaux, vous laissez la possibilité à un proxénète de rentrer dans sa chambre. » Une sociologue spécialisée confirme : « Plus les jeunes sont issues de familles hautes socialement, plus elles sont revendues cher par les réseaux. » Certaines passes atteignent 1 500 euros la nuit pour ces jeunes filles issues de la bourgeoisie, classées « catégorie gold » par les proxénètes. Nous avons réussi à rencontrer des membres d'un réseau actif. Leur aveu est glaçant : « En une journée, tu peux gagner bien plus qu'avec la drogue. Par semaine, si on ne fait pas 10 000 euros, c'est que ça n’a pas bien bossé. » Ces réseaux de proxénétisme « de cité » sont désormais la principale forme de traite en France. Le commissaire Christophe Molmy, chef de la Brigade des Mineurs de Paris, confirme l'explosion du phénomène : sa brigade traitait une douzaine d'affaires par an il y a dix ans, elle en a traité une centaine en 2024. Derrière ces annonces en ligne se cachent des empires du e-proxénétisme. Nous avons décrypté l’un d’entre eux, qui brasse vingt millions d'euros par an et compte huit millions de visiteurs par mois. Son dirigeant, pourtant condamné, continue d'opérer en toute impunité. Face à ce fléau, les autorités semblent dépassées. L'aide sociale à l'enfance est particulièrement mise en cause. Un avocat marseillais a décidé de porter plainte contre cinq présidents de département pour manquement à la protection de l'enfance : « Sur les 20 000 enfants qui se prostituent, il y en a quasi 18 000 qui sont placés. Le premier fournisseur de réseaux de pédocriminalité, c'est le département. » Pire encore, certaines organisations criminelles, comme la DZ Mafia de Marseille, n'hésitent plus à venir chercher les filles jusque dans les foyers ; des hommes armés menaçant les éducateurs. Enquête sur la prédation organisée qui menace nos enfants.