Enquête exclusive

Opération Tronçonneuse : l’Argentine selon Javier Milei

"Président à la tronçonneuse", Javier Milei a fait des coupes budgétaires un spectacle politique autant qu’un programme économique. Deux ans après son accession au pouvoir, conforté par sa récente victoire aux législatives, la méthode du président Milei serait-elle en train de porter ses fruits ? Arrivé au pouvoir par surprise en décembre 2023, le trublion en blouson de cuir et à la coupe de cheveux improbable suscite de grands espoirs dans un pays frappé par la pauvreté, la corruption et l’endettement chronique. Mais il inquiète aussi par ses excentricités et ses outrances. Quelles sont les méthodes de ce personnage fantasque ? Comment les Argentins vivent-ils sa politique d’austérité ? Est-il en train de redresser le pays ou de le mener dans une nouvelle impasse ? Pour les Argentins aisés, notamment les entrepreneurs et les hommes d’affaires, Javier Milei est l’homme providentiel capable de remettre l’Argentine sur pied. Victimes des crises successives, des milliers d’entre eux avaient quitté le pays. Aujourd’hui, certains choisissent de revenir, comme Mariano, chef d’entreprise spécialisé dans le recouvrement de créances, qui souhaite se réinstaller à Buenos Aires et investir dans l’immobilier. Il compte profiter d’une mesure phare de Milei : le blanqueo, un "blanchiment" fiscal qui permet de régulariser des avoirs non déclarés, y compris ceux détenus à l’étranger, en payant très peu d’impôts. Mais la politique d’austérité laisse aussi nombre d’Argentins sur le carreau, en particulier les retraités. Chaque semaine, ils manifestent par milliers devant le Congrès pour dénoncer le gel de leurs pensions. Pour Rubén, 77 ans, ancien électricien, c’est la double peine : sa retraite de 230 euros par mois n’est plus indexée sur l’inflation et ses médicaments pour le cœur sont remboursés seulement à hauteur de 50 %. Pour survivre, cet électricien à la retraite a dû reprendre des petits travaux manuels chez des particuliers. Les fonctionnaires, eux aussi, paient un lourd tribut. Fidèle à ses promesses de campagne, Milei a licencié près de 45 000 employés fédéraux, soit 15 % des effectifs. Des coupes qui ont permis d’économiser 20 milliards de dollars. Des économies que Federico Sturzenegger, ministre de la dérégulation et de la transformation de l’État, assume pleinement. L’homme qui incarne la "tronçonneuse" a accepté de répondre à nos questions. Pour relancer la croissance, Javier Milei le climatosceptique, mise sur l’exploitation des ressources plutôt que sur la protection de l’environnement. Depuis son élection, il a encouragé la fracturation hydraulique pour le gaz de schiste et relancé d’immenses projets d’extraction de lithium. Et cette politique de dérégulation pourrait encore accélérer la déforestation du Gran Chaco, la deuxième plus grande forêt d’Amérique du Sud après l’Amazonie. Voyage dans l’Argentine de Javier Milei, un pays plus divisé que jamais.